Les patients souffrant de troubles psychiques seront-il exclus du « droit à l’aide à mourir » ? 

Le 19 mai, les députés ont adopté un amendement précisant que « une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ». Cette clarification bienvenue permettra d’empêcher que des patients soient euthanasiés uniquement en raison de troubles psychiatriques, comme cela est possible aux Pays-Bas, en Belgique, et bientôt au Canada (à partir de 2027). 

Mais nous tenons à dire que l’exclusion des souffrances psychiques seules, est de toute façon illusoire et transitoire. Transitoire, puisque c’est ce qui s’est fait dans les autres pays. Illusoire, parce que la souffrance psychologique et la souffrance physique n’évoluent pas indépendamment l’une de l’autre, mais se nourrissent l’une de l’autre, et que la souffrance psychologique est présente dans toutes les demandes de mort.

En effet, la loi semble considérer la maladie psychique et la maladie somatique comme deux réalités indépendantes, voire mutuellement exclusives. Or, en pratique, de nombreux patients cumulent une pathologie grave (comme un cancer, une maladie neurologique ou un diabète sévère) et un trouble psychiatrique tel qu’une dépression, des troubles bipolaires ou une schizophrénie.

Ces personnes seront les plus exposées à la loi. Leur souffrance est bien réelle, mais leur vulnérabilité psychique complique l’évaluation de leur discernement, de la persistance de leur demande, et de leur rapport à la mort. En apparence, leur demande d’aide à mourir pourra être motivée par leur pathologie somatique, mais dans les faits, la cause principale pourra être une souffrance psychique profonde et mal prise en charge.

Il est également faux de croire que les troubles psychiatriques empêcheraient par principe toute demande d’aide à mourir : c’est précisément leur combinaison avec une maladie somatique grave qui constitue une zone grise, dangereuse et largement sous-estimée. Il s’agit d’un nouveau mensonge, intrinsèque à cette loi : elle prétend exclure les souffrances psychiques, alors que, quand il y a demande de mort, c’est toujours parce que les ressources psychiques sont dépassées. Les malades souffrant de trouble psychique comorbide seront les premières victimes mais, au fond, tout le monde sera concerné.

Nous rappelons que les personnes souffrant de troubles psychiatriques, comme tout le monde, peuvent être atteintes de maladies graves. Mais leur souffrance psychique constitue un facteur de risque majeur d’une demande de mort mal informée, impulsive ou influencée par un désespoir pathologique.

En l’état, cette loi risque de frapper les plus vulnérables : ceux dont la souffrance psychique vient s’ajouter à une maladie somatique grave, sans que cette souffrance soit pleinement prise en compte dans l’évaluation. C’est pourquoi nous nous opposons à cette loi, non par principe, mais parce nous connaissons la fragilité psychique des patients et l’impact des troubles mentaux sur les décisions liées à la vie et à la mort.

Nous appelons à la responsabilité des parlementaires et à une prise de conscience : légaliser l’aide à mourir, c’est exposer à un risque majeur nos concitoyens vulnérables, notamment les personnes souffrant de troubles psychiques. En tant que psys, nous connaissons les effets d’injonction, l’universalité de la détresse et du tragique humain, l’importance de la autre dans les moments de vulnérabilité, et la pulsion de mort qui réside en chacun de nous.

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